mardi 6 novembre 2012

Gaz de schiste : l’incroyable coup de poker de l’Amérique




© REA
Pendant que les Européens tergiversent, les Américains se sont lancés à corps perdu dans l’exploitation du gaz de schiste : des milliers d’emplois bientôt créés, une énergie bon marché, de la croissance en plus. Au risque de menacer gravement l’environnement…
« Vous n’avez pas réservé ? Alors il va falloir faire la queue.» Rodney D. Phillips regarde d’un air satisfait la salle pleine à craquer d’ouvriers au cou rougi par le soleil (les rednecks) et aux bottes crottées. Il y a cinq ans encore, son restaurant de grillades au centre Waynesburg, une petite bourgade de 5 000 âmes dans le sud-ouest de la Pennsylvanie, servait rarement plus de dix couverts. Il faut dire qu’à part des fermes et quelques vieilles mines de charbon, il n’y avait pas grand-chose dans le coin. «C’était mort, un vrai trou perdu», se souvient Rodney. Jusqu’au jour où, espérant trouver du gaz de schiste, une petite compagnie a foré un premier puits tout près de là. Puis un second. Et bientôt des dizaines, attirant des travailleurs de tout le pays. Depuis, tout a changé. Les commerces du centre-ville ont vu leur chiffre d’affaires tripler, et le chômage a disparu. «C’est un miracle», s’enthousiasme Pam Snyder, une élue locale.
Sacrés Américains ! Après l’explosion de la bulle des subprimes, on les pensait aussi mal en point que les Européens : leur taux de chômage crevait le plafond, la dette publique frôlait les 100% du PIB, leurs usines filaient en Chine… Tout juste si on ne les imaginait pas replonger avec nous en récession. Mais la fracturation hydraulique horizontale – cette ­fameuse technique qui permet de libérer le gaz piégé dans le schiste en injectant dans le sol un cocktail d’eau et de produits chimiques – est arrivée à point nommé. En Europe, la mise au point de ce procédé, nocif pour l’environnement, n’a donné lieu jusqu’à présent qu’à des ­débats houleux et à des arrêtés d’interdiction. De l’autre côté de l’Atlantique, en revanche, elle a plongé les campagnes dans une ­agitation frénétique et redonné des ­couleurs à toute l’économie.
En cinq ans à peine, pas moins de 40 000 puits ont été forés au Texas, en Pennsylvanie, dans l’Oklahoma et le Dakota. Grâce à quoi le gaz de schiste représente aujourd’hui 34% du gaz naturel produit aux Etats-Unis, contre moins de 2% en 2005. Et comme les Yankees sont assis sur une demi-douzaine de mégagisements (les plus grosses réserves après la Chine), cette proportion devrait grimper à 60% en 2035, faisant de l’Oncle Sam le premier producteur mondial. «Nous vivons une deuxième ruée vers l’or», s’emballe Alan Walker, responsable de la politique économique de Pennsylvanie. «La fracturation hydraulique pourrait ouvrir un nouveau cycle de croissance aussi déterminant que l’invention d’Internet», confirme Bob McCutcheon, spécialiste du secteur chez Pricewater­houseCoopers.


Source : Capital
05/11/2012 à 06:00 / Mis à jour le 05/11/2012 à 09:40

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