lundi 14 mai 2012

Barthélémy Faye, un crack au service de la Grèce!

C'est l'histoire d'une formidable ascension. Né au Sénégal, Barthélémy Faye, avocat chez Cleary Gottlieb, a été l'un des artisans de la plus importante restructuration de dette de l'histoire.


Barthélémy Faye. - dr
Rien ne le prédestinait à devenir avocat d'affaires dans l'un des plus prestigieux cabinets américains et à endosser les habits de conseiller de la Grèce. Barthélémy Faye est né dans le village de Baback Sérères au Sénégal. Agé de quarante-trois ans, il a conservé un physique de jeune homme qui ne manque pas de surprendre quand on connaît son parcours. Cet agrégé de philosophie passé par Normale sup, qui a fait une brève carrière universitaire, a obtenu des diplômes de droit à l'université Paris-II et à Yale aux Etats-Unis. Comme souvent chez Cleary Gottlieb, où l'on affectionne les « purs produits maison », il a rejoint le cabinet sans passer chez un concurrent. Associé depuis quatre ans, il a été choisi en 2011 pour aider l'Etat grec, au bord de la faillite.

Une tâche collective

Avoir été l'artisan de la plus vaste opération d'effacement de dette de l'histoire ne l'empêche pas de garder la tête froide. Il insiste d'emblée sur la dimension collective, précisant que, s'il a dirigé les opérations du bureau depuis Paris, le dossier grec a mobilisé des dizaines d'avocats de Cleary Gottlieb à travers le monde, sous la houlette de deux pontes de la dette souveraine, l'Argentin Andres de la Cruz et l'Américain Lee Buchheit. Et de rendre hommage au rôle déterminant joué par ce dernier : « C'est lui qui, dès mai 2010, avec un ancien collaborateur du cabinet, a suggéré une solution pour restructurer la dette de la Grèce, passant par l'adoption d'une loi imposant des clauses d'action collective avec effet rétroactif. » En d'autres termes, permettre à l'Etat grec d'imposer à quasiment tous ses créanciers une réduction de sa dette.
C'est autour de ce fil rouge que Barthélémy Faye, en liaison avec les équipes du cabinet disséminées entre l'Europe et l'Amérique, a façonné durant des mois l'arsenal juridique qui a abouti à l'effacement de pas moins de 100 milliards d'euros de dette. Un résultat qui a supposé de revisiter constamment l'histoire des restructurations de dette souveraine (l'Argentine, le Mexique...) et de déceler les spécificités du cas grec. Un véritable casse-tête. « Ce qui a été le plus compliqué dans ce dossier, c'est que, au-delà de la Grèce, il y avait des risques pour toute la zone euro », résume celui qui s'est forgé une expérience en conseillant des pays émergents. Au lieu de dialoguer avec un groupe restreint de créanciers rompus aux restructurations de dette souveraine comme le Club de Paris, il a fallu composer avec des dirigeants européens déterminés à éviter des effets systémiques et donc partisans d'une solution basée sur un accord volontaire des investisseurs. « Une approche qui semblait difficile à mettre en oeuvre au regard des précédents historiques », confie l'avocat. La création d'un comité de créanciers, représentant notamment les grandes banques peu favorables au principe d'une restructuration forcée, a aussi dû être prise en compte. Autre défi gigantesque : appréhender les multiples répercussions sur les institutions comme le Fonds de stabilité européen (FESF), pilier du second plan de sauvetage grec, ou la Banque centrale européenne (BCE), sommet de complexité juridique.
Celui qu'un de ses anciens collaborateurs décrit comme un bourreau de travail, capable d'étudier ses dossiers jour et nuit, pourrait se féliciter d'avoir emporté une grande victoire. Mais les aléas rencontrés depuis un an et la situation actuelle de la Grèce le rendent prudent. Il utilise en ce moment son savoir-faire pour dissuader certains créanciers insatisfaits d'intenter des actions contre les Grecs. Son rêve serait de rééditer le succès qu'il a connu lors de la restructuration de la dette de la Côte d'Ivoire en 2010, qui n'avait donné lieu à aucune poursuite.

Expérience africaine

Car si le destin l'a amené à conseiller le gouvernement grec, c'est en Afrique que Barthélémy Faye a mené ses premières grandes batailles aux côtés des Etats écrasés sous le poids de leurs dettes. Pour se rapprocher du continent dont il est originaire, il a en effet choisi de quitter New York après les attentats du 11 septembre 2001 pour être muté au bureau de Cleary Gottlieb à Paris. Son attachement à l'Afrique ne l'a pas seulement conduit à défendre la cause des Etats : il s'est aussi taillé une solide réputation en conseillant de grands groupes comme ArcelorMittal, Alcoa ou Alcan pour des projets au Liberia, au Sénégal et en Guinée.
Pourrait-il un jour compléter son expérience en défendant des fonds vautours contre des pays ? « Nous nous l'interdisons », répond sans ciller Barthélémy Faye. Chez Cleary Gottlieb, on ne passe pas de l' « autre côté ». Une règle d'or inscrite dans l'ADN d'un cabinet dont la réputation s'est bâtie au lendemain de la guerre, lorsque Cleary Gottlieb a épaulé Jean Monnet dans la reconstruction de l'Europe.
I. CO.
Écrit par Isabelle COUET
 

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